AIRS DE PARIS

Créativité et Cultures

Musée des Arts Décoratifs de Paris: LUXES

 

LUXES, une exposition inédite du Musée des Arts Décoratifs de Paris, qui invite à embrasser les différents visages du luxe à travers les âges et les cultures, grâce à une sélection d’objets d’art, de meubles, de vêtements, bijoux et accessoires exceptionnels, directement issus des collections du musée.

Prévue au 2 mai 2021, l’exposition a été prolongée jusqu’au 18 juillet 2021 en raison de la crise sanitaire. Quoi qu’il en soit, vous en prendrez plein les yeux !

Et puis le MAD est situé dans une aile du Louvre qui vaut le coup d’œil : rien que pour le salon 1900 et le salon des boiseries qui sont ouverts spécialement pour l’exposition, ou encore pour la grandiose nef, vous devez visiter LUXES !

 

L’exposition LUXES

propose un tour du monde du luxe

en 80 objets qui ont marqué leur temps.

 

« Chaque œuvre a été choisie pour ce qu’elle incarne de l’évolution de la notion de luxe, évoquant un moment clé, apportant un éclairage, dévoilant une réflexion dont les résonances trouvent un écho dans nos sociétés contemporaines, l’expression d’une sensibilité et d’un goût, le rapport à la spiritualité et au sacré, le sens de la communauté, les rivalités économiques entre pays européens, la conscience environnementale et écologique.

Il y est question du luxe des matières (ivoires, corne, coquillages lointains, bois tropicaux…), du luxe des techniques (le décor ciselé d’un bassin du13ème siècle fabriqué en Iran, les broderies de fil d’argent d’un habit à la Française), du luxe du rare (le sel, les parfums, l’encens), et jusqu’à ce paradoxe contemporain qui veut que ce qui nous manque le plus aujourd’hui – le véritable luxe est le temps », c’est ainsi que le MAD présente son exposition.

 

Igor nous fait visiter

cette magnifique exposition.

 

Commençons maintenant la visite. Nous empruntons le grand escalier qui mène habituellement à la grande nef. Nous sommes immédiatement confrontés à une première œuvre « The Hourglass », réalisée par l’artiste suisse Marc Newson, qui nous fait réfléchir sur la notion du temps : un sablier duquel s’écoule un sable fait de nano bille d’or comme pour souligner la préciosité du temps, et que dans une société toujours plus avide de vitesse, le vrai luxe est finalement peut-être le temps lui-même. Le ton est donné !

Nous entrons ensuite dans une première salle qui nous plonge dans les origines du luxe. Ici, on apprend que le mot luxe ne vient pas du latin « lux », la lumière, comme on le croit souvent, la lumière qui brille, le bling. Non, le mot LUXE est issu du latin « luxus » qui signifie ce qui est séparé, déplacé (d’où le mot luxation), mais aussi par extension, l’écart, l’excès, qu’il soit moral ou physique. Ainsi, dès l’Antiquité gréco-romaine, le luxe est ce qui rompt avec la vie frugale. Il marque l’élite, le sacré, mais aussi la débauche. En Egypte et en Mésopotamie, le luxe se révèle, lui, dans le travail de l’or ou des pierres rares et précieuses. Dans cette pièce, on retrouve donc des objets « luxe » de ces différentes périodes et cultures.

On avance ensuite dans le temps, au Moyen-âge ou à la Renaissance, et on se déplace d’Europe en Afrique, d’Egypte en Inde, d’Irak en Colombie. Là, on comprend que quelles que soient les civilisations, le luxe qualifie les objets d’arts que l’on se transmet au cours des siècles et qui, parce qu’exceptionnels par leur beauté, leur rareté et dans leur savoir-faire, sont précieux et marquent la différence entre l’élite qui les possède (qu’elle soit princière ou cléricale) et le reste des hommes.

On trouve ici des objets remarquables par la préciosité de leurs matières, le talent des artisans qui les ont réalisés, ou leur fonctionnalité, emblématique d’un certain art de vivre, d’un certain « luxe » donc.

 

 

Nous pénétrons ensuite dans une petite salle consacrée au Luxe du Savoir.

Ici, pas d’objets luxueux en apparence, mais toute une série de d’instruments de mesures scientifiques. Pourtant, ils sont réalisés dans des matières précieuses, et d’objets fonctionnels, ils deviennent objets d’art. À partir du 17ème siècle, l’importance des sciences, ou encore des découvertes des voyageurs/explorateurs, font du savoir un réel luxe. Les cours royales s’en emparent, et connaître les mathématiques, comme comprendre la mécanique, le mouvement des planètes ou la géographie, sont autant de privilèges pour ceux qui y ont accès. Ainsi, on découvre dans cette pièce les objets qui permettent cette richesse de la connaissance.

On poursuit la visite dans une pièce dédiée à différents concepts du luxe : le luxe de l’Otium, ce qui signifie, dans la Rome antique, les activités intellectuelles ou personnelles menées en dehors de la vie professionnelle, appelée, elle, le negotium (d’où provient le mot « négoce »). Ce sont donc les loisirs. Le luxe et le temps pour soi et l’épanouissement personnel sont alors intimement liés. À cette époque, seule l’élite peut se permettre le loisir, donc le luxe.

Cette salle nous invite aussi à découvrir les luxes extrême-orientaux. Au Japon comme en Chine, ce sont les techniques exceptionnelles et les savoir-faire qui font le luxe : laques, textiles, porcelaine… Les matériaux rares et les techniques de réalisation sont au cœur de la notion de luxe. Une notion que l’on retrouve également en Occident, notamment à Paris qui devient une place unique en Europe, en particulier pour ses savoir-faire textiles.

 

 

Dans la salle suivante, après le luxe des savoir-faire d’exceptions, nous questionnons le luxe à l’heure de l’industrie. Au 19ème siècle, avec l’industrialisation qui s’accélère, il est désormais possible de produire des objets en série. Cela aurait pu être antithétique avec le luxe et la notion de rareté. Mais la haute société d’industriels, de bourgeois ou encore d’aristocrates s’empare de cette industrialisation et revendique une quête de confort et de faste.

L’innovation et l’amélioration des techniques de production permettent de réaliser en série des meubles ou objets fonctionnels mais décorés à outrance. L’ornement ostentatoire s’impose, et après l’artisanat d’art, on parle désormais d’industrie d’art. Les Expositions Universelles qui se lancent alors ajoutent au fait que le luxe et la puissance passent désormais par l’industrie. C’est à cette époque que le système de la mode d’aujourd’hui émerge avec l’Anglais Worth qui fait naître la Haute Couture à Paris en 1858. On découvre ici une robe du soir du couturier.

Nous entrons à présent dans le salon 1900. Je dois dire que c’est une pièce que j’attendais car peu souvent ouverte au public. Ce salon recouvert de boiseries et de vitrines qui alternent avec des tentures de soie brochée, a été conçu par le décorateur, collectionneur et céramiste Georges Hoentschel. Il provient du pavillon de l’Union centrale des Arts décoratifs édifié pour l’Exposition universelle de 1900 et a été remonté au Musée des Arts Décoratifs en 1905. Il y a peu d’œuvres de l’exposition LUXES ici. Mais les objets qu’on y trouve, comme le décor de la pièce, témoignent de la virtuosité technique de l’artisanat et de la création d’art du début du 20ème siècle.

Le salon 1900 nous conduit tout droit dans le Salon des Boiseries. Là encore j’étais impatient car c’est aussi une pièce habituellement privée. On y trouve toute une collection de panneaux de boiseries qui témoignent des décors des grandes demeures aristocratiques françaises. En effet, la France a très tôt travaillé le décor de boiserie qui requiert un artisanat d’excellence reconnu dans toute l’Europe. Le bois peut être peint, sculpté, doré, incrusté de matières précieuses… Un écrin de luxe pour les objets et le mobilier présentés dans les maisons et appartements d’alors.

Quittons le Salon des Boiseries pour partir en voyage. En effet, la prochaine salle fait le lien entre le luxe et le voyage qui, au début du 20ème siècle reste le privilège de quelques-uns. Les paquebots sont richement meublés et décorés. Les trains, tellement rapides, permettent de repenser le temps de voyage, et se font ultra confortables. L’automobile entre en scène et devient le moyen de transport des plus riches.

Dans cette pièce, on découvre ici un modèle de voiture iconique du début 20ème : l’Hispano-Suiza H6. Cet engouement fait naître une industrie de la bagagerie et des accessoires de voyage. Louis Vuitton, ou Goyard (dont on voit ici une malle de voyage ayant appartenu au Duc de Windsor) en sont les acteurs emblématiques.

Après le luxe du voyage, celui des produits. Des produits venus de loin avec l’expansion des empires coloniaux dès le 17ème siècle et qui changent les habitudes de consommation des privilégiés. La gastronomie devient un luxe. Les restaurants rivalisent de créativité pour leurs menus. Thé, café, chocolat… sucre, poivre, clous de girofle… mais aussi parfums, cosmétiques… Tous ces produits nécessitent la création de nouveaux objets de luxe : contenant (bouteilles de parfum, ici chez Schiaparelli), ustensiles ou couverts en argent, vaisselles en porcelaine…

A partir des années 1910, le mouvement Art Déco renouvelle les intérieurs. L’Art Déco décline un goût pour le rare et le précieux : extravagance décorative, matériaux saturés, joaillerie fastueuse.

Dans cette nouvelle salle, on découvre l’intérieur de l’appartement de la baronne Robert de Rothschild meublé par les décorateurs Clément Rousseau et Clément Mère. On y découvre aussi une robe de Jeanne Lanvin et un paravent d’Armand-Albert Rateau. L’Art Déco marque le renouveau du luxe à la Française.

Changement d’ambiance avec la pièce suivante qui traite de « l’étrange luxe du rien » comme le disait François Mauriac. A la notion d’opulence et d’ornement héritée du 19ème  siècle, le décorateur Jean-Michel Frank oppose une vision de la décoration et du luxe plus conceptuelle et minimaliste. Les matières utilisées sont plus communes mais traitées par un travail subtil et artisanal exceptionnel et sensuel.

 

 

Nous traversons ensuite une salle consacrée au nouveau luxe du noir radical dans les années 1920, notamment dans la mode avec Gabrielle Chanel qui fait de la petite robe noire un chic et un luxe absolu.

Puis, nous découvrons un luxe aux mille facettes, à travers l’art de la parure, indissociable de la notion de luxe à travers les siècles. On admire ici des bijoux et montres exceptionnels, dont les bijoux féeriques de Victoire de Castellane (ici le bracelet Quo Caïnus Magic Disco de sa collection Fleurs d’excès en 2010). *

Plongeons maintenant dans le monde moderne, avec un luxe éclectique. Dans une société de production de masse, le luxe mêle les approches culturelles, les styles, les références créatives. Ici, on retrouve des baskets Pierre Hardy ou des souliers Christian Louboutin extravagants, et on aime s’attarder sur la robe à la fois couture et street-wear de Christelle Koché.

Nous continuons dans une pièce dédiée au luxe revisité. On y trouve des pièces de la collection Croisière de Dior par Maria Grazia Chiuri, présentée en 2019 à Marrakech, qui déconstruit les codes de la Maison et du New Look qui a fait la renommée de Dior et du luxe à la française dans les années 1947. En adaptant ce style avec des matières et savoir-faire contemporains, notamment originaires d’Afrique, la créatrice montre que le luxe d’aujourd’hui s’inspire des codes des luxes du passé tout en y ajoutant de nouvelles références culturelles.

Nous pénétrons enfin dans la dernière salle. La plus impressionnante. Nous sommes sous la nef du Musée des Arts Décoratifs. La première pièce que nous découvrons est la robe Magnificent Gold de la créatrice Guo Pei (Chine, 2006). Il s’agit ici d’illustrer l’over luxe, ce luxe qui fait renaître les excès face à un luxe de masse qui tend à entrer dans les normes.

Entièrement brodée de fils d’or et de sequins dorés, cette superbe robe est vraiment surprenante. A l’opposé de la nef, l’illustration de cette extravagance se retrouve dans une robe de velours bleue, tout en volume, comme sculptée, simple et monochrome, créée par Demna Gvasalia pour la collection printemps été 2020 de la Maison Balenciaga.

Dans cette même pièce, on parle aussi d’Eco-luxe à travers notamment l’utilisation du lin, cette matière écologique dans sa production, historiquement très importante en France. Ici on découvre une robe en lin du créateur Simon Porte-Jacquemus, présentée en 2019. Une robe à la fois sensuelle et légère, qui allie luxe et écologie.

 

 

Enfin, on retrouve ici la notion de métiers d’art qui remet aujourd’hui en avant le travail de savoir-faire maîtrisés qui font la préciosité d’un objet ou d’un vêtement. Sans le temps consacré à la création, sans les artisans qui détiennent des savoir-faire uniques et immatériels, le luxe ne serait pas le luxe.

La visite se termine ainsi, sur ces notions de temporalité, de savoir, de faire, de matières écologiques, rares ou innovantes qui, alliées à la créativité, à des influences culturelles, artistiques, ou sociétales nouvelles ou passées, font les différentes facettes du luxe. Ou plutôt la multiplicité des LUXES.

 

 Mon avis sur cette visite

Comme je le disais, je n’avais pas trop d’avis avant de me rendre à cette exposition. Je ne savais pas à quoi m’attendre et avais un peu peur d’être déçu. Cependant, je savais aussi que les expositions du MAD sont toujours très bien pensées et scénographiées. Je partais donc rassuré sur les traces des LUXES. Et j’avais raison : cette exposition est une vraie bonne surprise !

On y apprend beaucoup sur l’évolution de la notion de luxe, bien sûr, mais aussi sur les différentes évolutions culturelles et techniques qui l’entourent, en France, en Europe comme dans le monde entier.

 

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