Il y a cent ans, les Années Folles inventaient un style : l’Art Déco.
Symbole de luxe, de libération et de modernité, ce mouvement n’a jamais quitté le devant de la scène. Pour son centenaire, une exposition monumentale nous replonge dans l’effervescence de cette époque et nous rappelle pourquoi nous en sommes toujours aussi fous.
Ils l’ont appelé le « style moderne ». Né de l’explosion créative qui suivit la Première Guerre mondiale, l’Art Déco a été le souffle d’optimisme dont le monde avait besoin.
En 1925, l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes de Paris lui donnait son nom officiel et lançait une révolution esthétique qui allait conquérir la planète.
Un siècle plus tard, l’exposition « 1925-2025. Cent ans d’Art déco » au musée des Arts décoratifs n’est pas une simple rétrospective ; c’est un voyage sensoriel au cœur d’une passion qui ne s’est jamais éteinte.

Comment expliquer que l’Art Déco, cent ans après son apogée, continue d’inspirer les designers, les décorateurs et les fashionistas ?
La réponse se niche dans son ADN même.
Ce mouvement a osé la rupture : finies les courbes sinueuses de l’Art Nouveau, place à la géométrie, à la vitesse et à la clarté. Il a su marier comme personne l’excellence de l’artisanat, avec ses bois précieux et ses laques, aux prémices d’une esthétique industrielle, moderne et fonctionnelle.
C’est cette audace, cette promesse d’un monde nouveau et radieux, qui résonne encore aujourd’hui.

Une Immersion dans les Années Folles
Préparez-vous à être transportés. La scénographie vous plonge dans l’effervescence des Années folles à travers près de 1 000 œuvres exceptionnelles.
Loin d’une présentation figée, le parcours est une exploration thématique de la diversité du style. Vous y découvrirez :
Le Mobilier Sculptural : Des pièces monumentales en ébène et palissandre signées Ruhlmann ou Süe et Mare, qui incarnent le sommet du savoir-faire artisanal et le goût pour le spectaculaire.
Les Bijoux Précieux : L’incarnation de la « femme moderne ». Parures de diamants, bracelets rigides en platine et onyx, broches géométriques… un festival de luxe et d’élégance sophistiquée.
Les Objets d’Art et la « Déco » : La preuve que le style investit tout le quotidien. Admirez comment une lampe de bureau en métal chromé ou un service à cocktail en verre gravé deviennent de pures œuvres d’art.
L’Univers Graphique : Un voyage dans les coulisses de la création. Maquettes, affiches publicitaires et dessins préparatoires révèlent l’importance du trait et de la couleur dans la diffusion de cette esthétique.
Les Pièces de Mode : Souvenez-vous que l’Art Déco fut une révolution vestimentaire. Les robes du soir perlé, les coupes audacieuses et les accessoires iconiques – le chapeau cloche et le long sautoir – ont libéré le corps et l’esprit des femmes.

L’exposition a l’intelligence de montrer les facettes contrastées de l’Art Déco.
Elle explore le dialogue fascinant entre l’ornementation somptueuse destinée à une élite et la démocratisation du style à travers le cinéma, l’architecture et les arts de la rue. C’est précisément dans cette tension que l’Art Déco a puisé son énergie durable.
« 1925-2025. Cent ans d’Art déco » est plus qu’une leçon d’histoire ; c’est une expérience.
C’est l’occasion de comprendre pourquoi les motifs en zigzag, les paons stylisés et les formes épurées de ce style hantent encore notre imaginaire collectif. Un siècle après, l’Art Déco n’a pas pris une ride ; il continue de nous souffler comment allier luxe, modernité et art de vivre.
Un rendez-vous incontournable pour tous ceux qui croient que l’élégance est éternelle.

Interview exclusive de
Mathurin Jonchères
Mathurin Jonchères, assistant de conservation au musée des Arts décoratifs, nous éclaire sur les défis et les secrets de cette exposition pharaonique.
L’exposition rassemble près de 1000 œuvres. Pouvez-vous nous raconter les défis logistiques et organisationnels que représente un tel rassemblement ?
Nous avons passé beaucoup de temps dans les réserves du musée afin de sélectionner des œuvres. Certaines sont de véritables redécouvertes car elles n’ont pas été montrées au public depuis plusieurs dizaines d’années. En parallèle, nous avons cherché dans les collections publiques et privées des œuvres qui nous permettaient de compléter notre propos. Toutes ces instigations se sont accompagnées d’importantes campagnes de restauration permettant de présenter les œuvres dans un état de conservation satisfaisant.
Le montage de l’exposition a duré près de six semaines, dont trois entièrement dédiées à l’installation des œuvres. Le chantier a été pharaonique, car l’exposition se déploie sur trois niveaux du musée, dont la nef. L’emplacement et la position de chaque œuvre est systématiquement finement réfléchi, parfois après de multiples essais, sans égard pour le prestige ou la rareté des œuvres. Les objets les plus communs sont ainsi traités avec le même soin et la même attention que les chefs-d’œuvre de l’Art déco. Tout cela nécessite donc beaucoup de temps et d’implication, et je remercie les équipes de monteurs-installateurs qui nous aidés.
Certaines installations ont été très impressionnantes. Le Bahut Elysée de Ruhlmann, prêté par le Mobilier national, a ainsi nécessité la présence d’une douzaine de personnes pendant plus d’une demi-journée pour installer ce meuble de plus de 300 kg. Le plus impressionnant a sans doute été l’arrivée des containers de l’Orient Express : cette opération, commencée un dimanche soir, s’est terminée le lundi en milieu de journée. Les portes du musée ont du être dégondées et un treuil installé dans le hall. Un chantier titanesque !
Comment la scénographie, a-t-elle été imaginée pour « voyager au cœur des Années folles » ?
Nous avons fait à appel à la scénographe Sylvie Jodar, de l’Atelier Jodar, qui possède un œil aiguisé pour les objets et sait les agencer avec perfection. Sa scénographie contribue à créer une cohérence visuelle à l’ensemble de l’exposition, déployée sur trois niveaux du musée, avec une grande variété au sein des œuvres présentées (mobilier, orfèvrerie, céramique, mode, arts graphiques, joaillerie…).
Loin de toute nostalgie, la scénographie est résolument contemporaine, avec des couleurs vives et des filtres dichroïques qui guident le visiteur tout au long de son parcours. Le seul clin d’œil à l’Art déco réside dans l’utilisation de la forme du paravent sur les différents paliers de l’exposition. Le paravent est en effet le meuble emblématique d’artistes tels que Jean Dunand, Eileen Gray, Armand-Albert Rateau ou Edgar Brandt.
La section consacrée à l’Orient-Express est beaucoup plus immersive, avec une scénographie rappelant un quai de gare. Le visiteur aura l’impression d’être à bord du train, sensation renforcée par la présence de deux voitures historiques (notamment l’Étoile du Nord de notre collection, restaurée) et de trois maquettes du nouvel Orient-Express réalisées par le studio Maxime d’Angeac.
L’exposition couvre un siècle d’influence. Comment montrez-vous que l’Art déco est encore pertinent et source d’inspiration pour les créateurs en 2025 ?
L’Art déco continue d’inspirer de nombreux designers. Certains assument leurs citations, en employant notamment plusieurs techniques emblématiques de l’Art déco comme la marqueterie de paille, la laque ou le galuchat. D’autres font des références plus discrètes, en réemployant des motifs, des formes et des ornements qu’ils réinterprètent de manière personnelle, à l’instar de l’architecte et designer Maxime d’Angeac dont nous présentons une partie du travail dans l’exposition.
De nombreux livres et films, au premier rang desquels Le crime de l’Orient-Express, ont participé à la construction de la légende de ce train comme emblème de l’Art déco. Nous montrons ainsi comment Maxime d’Angeac s’inspire de l’Art déco sans jamais le copier, mais au contraire en en renouvelant les codes, pour le nouvel Orient Express, un palace roulant qui devrait être lancé sur les rails à l’horizon 2027.
Après des mois immergés dans le projet, pensez-vous que l’esprit des « Années folles » – cet optimisme et cette soif de vivre – résonne particulièrement avec notre époque ?
L’Art déco est un art du luxe, où les créateurs mettent en œuvre des matériaux aussi précieux que l’ivoire, les bois exotiques ou le jade afin de créer des pièces uniques, accessibles uniquement aux plus fortunés. Cela a été reproché aux créateurs de l’Art déco dès que le mouvement émergea.
Il y a pourtant plusieurs tentatives de démocratiser le style moderne, notamment grâce aux éditions en série et aux grands magasins. Je pense que les créateurs et designers sont encore confrontés à ces mêmes problématiques aujourd’hui.

Rédaction: Hervé
Photo: Christophe Dellière et Musée des Arts décoratifs
Magazine digital: 2025 – Automne
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