Rouen et Ningbo
Depuis le milieu des années 1980, la Ville de Rouen est jumelée avec la ville de Ningbo, située au nord-est de la province du Zhejiang, en Chine.
Rouen est une commune du nord-ouest de la France traversée par la Seine. Ningbo est une ville portuaire qui était traditionnellement le point de départ de la route de la soie. De ces deux côtés de la planète, comment ces deux villes ont-elles réussi à se lier ?
L’histoire est méconnue du grand public et pourtant vraie !
Comment, il y a presque quarante ans, Vincent Lemarchand a réussi à devenir l’un des piliers du développement et de l’amitié entre les deux villes ? En tant que président du comité Rouen-Ningbo, il nous raconte son expérience et nous confie sa vision de la Chine…
Expliquez-nous, Vincent Lemarchand, comment cette belle aventure a eu lieu ?
En 1983, j’ai découvert la Chine à la foire internationale de Rouen car elle était l’invitée d’honneur. Je travaillais à ce moment-là au service international de la chambre de commerce. Le président de la Chambre eut envie de jumeler la ville avec une ville chinoise. Il a posé la question au directeur de la délégation, lequel dirigeait le Pavillon chinois. Il y avait cependant plusieurs conditions : la ville chinoise devait obligatoirement être une capitale régionale, avoir une histoire ancienne et posséder un port maritime. Au bout de plusieurs mois, le directeur de la délégation a proposé Ningbo.
Rouen avait évidemment comme dans toutes les villes françaises, une petite communauté chinoise. Mais souvent, c’était des Chinois d’outre-mer ou des gens de Wenzhou. Ce mouvement de population s’effectua principalement lors des deux guerres. Cependant il y avait très peu de Chinois de l’intérieur du pays. C’était pour nous quelque chose de très nouveau, et pour eux aussi. Les Français, ont des idées préconçues sur les Chinois, comme eux-mêmes en ont sur nous ! Avec le président de la Chambre de commerce qui était dans le même temps, président de la meunerie française, nous avons immédiatement eu envie de nous y rendre pour mieux les connaître. Nous en sommes revenus enchantés !
En 1986, à l’invitation de la ville de Ningbo, un premier document officiel fut établi. Il est inutile de rappeler que dans ces années-là, rien n’était facile, et surtout pas les routes ni les moyens de transport ! Nous avons dû mettre deux jours pour arriver dans cette ville laissée intacte. C’est à ce moment qu’un premier accord fut signé entre nos deux villes.
En 1990, à l’occasion d’un voyage officiel en Chine du Maire de Rouen, Jean Lecanuet, Président de la commission des affaires étrangères du Sénat, fut signé le document officialisant le jumelage des deux villes en présence d’ une importante délégation rouennaise.
A partir de cette signature, nos échanges se sont multipliés dans tous les domaines : éducation, économie, santé, culture, sports, gestion de la ville. Le recrutement par le bureau des Affaires étrangères d’un responsable francophone (que nous avons accueilli pendant plusieurs semaines pour lui présenter les différents acteurs des organismes souhaitant collaborer avec Ningbo) a été une étape importante dans nos relations.
Aujourd’hui, encore, nous continuons à avoir recours à ses compétences pour mener à bien nos projets. J’ai eu la chance en 2010 de recevoir le titre Citoyen d’honneur par la Municipalité de Ningbo et j’en suis fier ! Subsiste le travail effectué au sujet du rapprochement des deux villes, mais perdure surtout l’amitié entre les deux pays… voilà pourquoi j’ai poursuivi mon action.
Pensez-vous que Ningbo ait changé en quarante ans ?
A mes yeux, le changement est extraordinaire ! Cette ville ancienne était méconnue mais son port était un des plus grands de Chine et déjà largement ouvert sur l’étranger. Un grand nombre de relations se tenaient avec d’autres pays. Il faut dire qu’à Shanghai, il y avait aussi bon nombre de personnes originaires de Ningbo dans le domaine des affaires qui commerçaient avec l’étranger.
À partir du moment où la Chine s’est ouverte, les entrepreneurs n’ont pas perdu de temps pour démarrer les affaires. Ningbo a connu un développement incroyable. La population a doublé. Le port est aujourd’hui le premier port mondial en termes de trafic !
Pensez-vous que les Chinois aient aussi changé ?
Au départ, il nous a semblé que les Chinois étaient assez fermés. Sans doute étaient-ils mal à l’aise avec des étrangers ? Puis très rapidement, ils se sont adaptés à notre culture, à nos traditions françaises. J’ai été surpris de constater que beaucoup connaissaient déjà la France pour l’avoir étudiée et observée. Les Chinois ont une grande ouverture d’esprit. Aujourd’hui, ils sont parfaitement à l’aise à l’étranger, je trouve cela intéressant.
Quel regard personnel portez-vous sur la Chine ?
J’avais, comme beaucoup de Français, des images toutes faites venant de la description d’une Chine ancienne. Ce qui m’intéresse le plus aujourd’hui, c’est de constater son évolution en très peu de temps. En trente ans, le développement est considérable. Quand je suis arrivé, il n’y avait quasiment aucune voiture en Chine. Il n’y avait que des voitures officielles et des camions. Les Chinois étaient en vélos.
Maintenant, le vélo a quasiment disparu ! Cela prouve une capacité d’adaptation au monde moderne, étonnante. Donc ma vision de la Chine, c’est surtout la rapidité qu’elle a à s’adapter. Avons-nous en France cette capacité ? Je m’interroge. Nous avons encore bien des réticences…
Le chinois n’en a pas ! Pour eux, rien n’est impossible. Pour exemple : les officiels de la ville de Ningbo au départ, nous ont fourni des chiffres et des objectifs à atteindre. Nous trouvions cela curieux, je me souviens, je n’imaginais pas qu’ils iraient aussi vite en appliquant leurs idées et leurs projets. En fait, les résultats ont été plus grands encore que ce qu’ils avaient annoncé !
Les Chinois sont optimistes et ont confiance en leur avenir. Ils ont envie de changer les choses et ils savent qu’ils y arriveront. Beaucoup pensent que « demain sera mieux qu’hier ». Je trouve cette vision très encourageante, surtout si l’on se trouve chez eux. Les Français plutôt pessimistes voient-ils leur avenir ainsi ? Voilà une différence entre nos peuples.
Pour vous, y a-t-il une compréhension entre la France et la Chine ?
Mon idée était de combattre ces vieux clichés démodés. Les Chinois aiment profondément la France et ils la trouvent romantique. Ce n’est pas pour rien si beaucoup viennent se marier à Paris et se font photographier au pied de la Tour Eiffel. Comme eux, je pense qu’il faut rêver, alors je m’efforce de montrer que chez nous, il y a de grandes possibilités de développements, nous pouvons réaliser beaucoup de choses ensemble. Nos industries de pointe sont très intéressantes pour eux. D’un autre côté, c’est de faire aussi comprendre aux Français que la Chine est un pays avec de bonnes idées ouvertes sur la planète.
Avec les Chinois, mon expérience est riche en la matière. Au départ, nous travaillions sur le plan économique, puis nous avons poursuivi dans le secteur de l’éducation. Nous avons aussi pas mal œuvré dans le secteur hospitalier. Il y a eu un inter échange entre des médecins chinois et français. Fiers de notre succès nous avons continué avec des avocats, puis nous sommes intéressés au monde culturel.
Mettre en valeur nos diversités est ce qui nous plaît. Nous pouvons ensemble nous rapprocher et échanger sans pour autant faire de la politique. Les Français et les Chinois ont certains points communs : une longue histoire , une grande culture et une riche gastronomie.
L’ année 2024 sera marquée par le soixantième anniversaire de la reconnaissance de la République Populaire de Chine par la France. Cela devrait être l’occasion de rappeler l’importance que la France a établi des relations amicales avec la Chine. Il n’ en reste pas moins qu’ il est nécessaire de poursuivre nos actions afin de mieux faire connaître les réalités chinoises aux Français et les françaises aux Chinois.
Le cliché de la France « Pays romantique « ne doit pas faire oublier que nous sommes également un pays innovant dans les domaines économiques et culturels, réduire la Chine à « un atelier produisant de grandes quantités de produits bon marché » est une démarche qui occulte la très grande richesse de la culture chinoise.
Les nombreux jeunes Chinois qui ont choisi de poursuivre leurs études en France confirment la qualité de nos universités, alors il serait souhaitable que les étudiants français manifestent un même intérêt pour la Chine qui dispose également d’universités prestigieuses. Ces échanges importants devraient contribuer à des coopérations futures fructueuses.
En ce qui concerne Rouen et Ningbo nous continuons nos échanges dans tous les domaines après une interruption de trois ans due à la crise sanitaire. Nous avons constaté avec plaisir la reprise depuis quelques mois des déplacements et en ce qui nous concerne, nous avons accueilli trois délégations de Ningbo ces derniers temps. Je m’ y rendrai en septembre pour relancer un certain nombre de projets en attente. Nos liens devraient encore se renforcer dans les prochains mois.
Version chinoise:
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