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La relocalisation en France

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Comme l’a révélé la pandémie, la relocalisation en France de la production se révèle une nécessité dans plusieurs secteurs de la vie économique, avec en perspective une réindustrialisation tenant compte des enjeux environnementaux.

« Le déclin industriel de la France est avéré depuis plusieurs années, mais ce n’est pas une fatalité », affirme Gwénaël Guillemot, directeur de l’institut de la réindustrialisation. Cette association loi 1901, créée en 2015 à l’initiative du Groupement des industries métallurgiques, de Syntec-lngénierie, de l’école d’ingénieurs EPF et de Cesi (Campus d’enseignement supérieur et de formation professionnelle), a pour ambition d’être un pôle créateur et diffuseur, notamment auprès des jeunes publics, de connaissances et d’expertises sur l’industrie du futur.

La relocalisation en France

La récente pandémie, qui a entraîné le ralentissement, voire, dans certains secteurs, la suspension totale de nos importations, a mis en évidence notre dépendance aux autres pays dans de nombreux domaines en matière de biens et de services, souvent de première nécessité. Parmi les secteurs les plus critiques en matière de sécurité de l’approvisionnement, ceux des batteries, des énergies renouvelables, des produits pharmaceutiques, des applications numériques, de l’industrie aérospatiale et de la défense.

La prise de conscience des méfaits d’une trop grande dépendance à l’égard de l’étranger est venue rencontrer une attente très forte de la population en faveur d’une production plus locale. Une production qui répond aussi aux objectifs de réduction de l’impact écologique néfaste des transports de matières premières et des biens produits à l’étranger à bas coûts et qui favorise également le développement d’activités génératrices d’emplois sur notre sol.

Trois objectifs pour relocaliser

« Entre 2009 et 2019, seuls 140 cas de relocalisations pures ont été réalisés », souligne Vincent Vicard, économiste au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Source : The Conversation, « Une réindustrialisation de la France est-elle vraiment possible ? »). L’objectif, selon cet expert, est moins de relocaliser que de réindustrialiser la France, où l’industrie représente à peine 13,4 % du PIB contre 24 % en Allemagne, « en développant la barre industrielle à travers de nouvelles activités ».

Pour lui, la relocalisation doit poursuivre trois objectifs : l’autonomie stratégique en matière de produits indispensables dans des secteurs spécifiques comme la protection en matière de pandémie ; la création d’emplois qualifiés ; l’essor de la recherche et du développement sur l’ensemble du territoire et pas seulement les zones urbaines, ainsi que l’amélioration de l’équilibre commercial du pays. Principal obstacle : l’élévation des coûts de production.

Le Gouvernement français a arrêté la liste des secteurs où des industries doivent être relocalisées ou créées, en fonction de leur caractère stratégique : les batteries, les énergies renouvelables, l’hydrogène, la 5G. Pour « répondre aux enjeux de résilience et de relocalisation », il soutient ainsi dans ces domaines, depuis l’été 2020, dans le cadre de « France Relance », des « projets d’implantation d’activités industrielles stratégiques par le biais de dispositifs au niveau national et territorial ». 462 M€ ont été débloqués, à ce jour, au bénéfice de 273 projets représentant un investissement industriel de 1,8 Md€.

Parmi les cinq derniers projets lauréats essonniens bénéficiaires, en avril 2021, de ce coup de pouce : la SAS New Imaging Technologies, implantée à Verrières-le- Buisson. Créée en 2007 dans le creuset de Télécom SudParis, cette entreprise de 20 personnes fait partie de la dizaine de spécialistes de capteurs d’images infrarouges short-wave (longueur d’onde proche infrarouge réflective) dans le monde, dont trois en Europe. Cette technologie participe notamment au « contrôle de wafers silicium » ou monitoring des panneaux solaires.

« Un certain nombre des composants que nous utilisons sont fabriqués à l’étranger et nous avons fortement investi depuis sept ans pour réaliser en interne l’opération représentant la valeur ajoutée la plus forte, précise François Coursaget, directeur général de New Imaging Technologies. L’aide reçue dans le cadre du plan France Relance (environ 730 000 euros sur un projet à 1,5 M€) nous permet d’autonomiser cette chaîne de production et de recruter deux nouveaux collaborateurs à cet effet. »

 Matières premières : changer les pratiques pour ne pas être dépendant

Autre secteur mis en avant, celui des matières premières : matières premières agricoles, minerais et métaux. Avec une demande qui devrait doubler d’ici à 2022, la sécurité de notre approvisionnement est à l’ordre du jour. L’industrie de l’habillement fait partie des domaines où notre dépendance à l’égard de l’étranger est très forte. Il est cependant possible de faire machine arrière au prix d’un changement de pratiques.

Aujourd’hui, l’industrie textile dépend majoritairement des ressources fossiles nécessaires pour la production de fibres synthétiques (dérivées du pétrole brut et du gaz naturel), dont le polyester (56 % des textiles de la planète), produit principalement en Chine (72 %) et dans le reste de l’Asie (21 %). C’est aussi en Asie qu’est massivement réalisée la fabrication des vêtements pour minimiser au maximum les coûts grâce à des conditions de travail peu respectueuses des droits humains.

Ce constat a conduit de jeunes créateurs de vêtements français à développer depuis quelques années un nouveau modèle conciliant protection de l’environnement, respect des personnes et relocalisation de la production. Cette démarche est venue gagner les grands de la mode dans tous les pays touchés par la pandémie. Les difficultés d’approvisionnement les ont en effet incités à se fournir en textiles et en matières disponibles près de chez eux et à faire travailler des ateliers proches.

Écocontribution et lin pour redynamiser le textile français ?

De même, la pandémie, à l’origine de la formation d’un immense excédent de stocks issus des collections printemps-été 2020 (entre 140 et 160 milliards d’euros), a aussi poussé les marques de luxe et de prêt-à-porter à s’intéresser à la réutilisation de cette matière première autrefois brûlée. Une révolution des pratiques dont le coût reste élevé.

150 entreprises du secteur textile français dénoncent ainsi dans une tribune (« Le Monde » du 7 juillet dernier) « l’avantage économique à produire de manière irresponsable ». Elles réclament la mise en place de mesures d’incitation pour que les entreprises de l’habillement « payent réellement les coûts environnementaux », dont une augmentation de l’écocontribution (jusqu’à 5 euros par vêtement pour les plus mauvaises pratiques contre 6 centimes actuellement) et son indexation en priorité sur les émissions de gaz à effet de serre pour favoriser la relocalisation en France et en Europe des outils de production.

Dans l’objectif d’une relocalisation de la filière textile : le lin, alternative écologique aux fibres synthétiques et au coton. Celui-ci nécessite très peu d’irrigation (un jean en lin consomme 100 fois moins d’eau qu’un jean en coton) et représente un véritable facteur de croissance. Alors que la France en est le premier producteur mondial (112 000 tonnes par an), le lin est aujourd’hui filé à l’étranger, majoritairement en Chine. Or, des filatures commencent à revoir le jour en Alsace et en Normandie avec la perspective d’une dizaine de filatures d’ici à 2030 et la renaissance des entreprises de tissage hexagonales.

Made in France, un programme ambitieux

L’attente du public en faveur de produits plus respectueux de l’environnement est aussi un important facteur d’incitation à la création et au développement d’outils de production en France. Exemple avec l’alimentation. Aujourd’hui, une part significative des aliments consommés par les Français est importée. En particulier, les viandes proposées par les établissements de restauration privés et publics.

Or, la relocalisation de la production dans ce domaine est cruciale à plusieurs titres. Elle facilite la transition vers une agriculture plus saine et plus durable dans le cadre des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre de notre pays. Elle permet aussi aux agricultrices et agriculteurs français de vivre correctement de leur travail. 10 millions d’euros viennent donc d’être affectés au secteur de l’agroécologie dans le cadre du plan France Relance avec pour objectif un « accroissement durable de l’innovation et de la compétitivité ». La gestion de ces fonds est confiée à Bpifrance pour mettre en oeuvre un « programme ambitieux afin d’accompagner la transformation de la filière » afin de « renforcer sa compétitivité et sa transformation écologique ». Sont visées les entreprises actives en matière d’agroéquipements, biocontrôle, production de protéines végétales, etc.

La fabrication française présente dans presque tous les domaines

Plus largement, le public est de plus en plus à la recherche de produits « made in France » (produits de fabrication française à distinguer des produits vendus par des entreprises françaises, mais fabriqués dans d’autres pays) dans tous les secteurs.

Quelques sites internet s’emploient d’ailleurs à les recenser, à l’exemple de « boutique- madeinfrance », « efrancais » ou encore « marques-de-France », qui publie en outre un magazine. Dans son édition du 6 juillet dernier (« Made in France – Est-il possible de vivre 100 % français ? »), sa cofondatrice, Élodie Lapierre, conclut qu’il est devenu plus facile de s’équiper en made in France dans l’ensemble des domaines de la vie quotidienne. En pointe, l’hygiène et les soins avec pléthore de marques aux prix compétitifs, de la brosse à dents aux compléments alimentaires en passant par les produits d’entretien et les rasoirs. Pas de problème non plus pour le mobilier, les automobiles, l’habillement, les chaussures. Côté accessoires, certaines régions ont conservé des savoir-faire artisanaux qui attirent de nouveaux publics : le Jura pour la lunetterie, le Tarn pour la maroquinerie, le Doubs pour l’horlogerie, etc. Grands absents, le gros électroménager et l’électronique : aucun smartphone, même de marque française comme Archos (Igny), n’est assemblé en France. En cause, la disparition de l’écosystème concerné en France et en Europe au profit de l’Asie du Sud-Est. Or, la reconstitution de celui-ci « demanderait un effort de formation extrêmement important et compliqué », estime Olivier Wajnsztok, dirigeant d’AgileBuyer, société de conseil spécialisée dans le conseil et les équipiers Achats.

La chimie verte pour produire plus et mieux ?

Parmi les obstacles à la relocalisation des activités en France : l’impact environnemental des usines qui génèrent bruit, odeurs, circulation routière, déjections, etc. C’est le cas, par exemple, dans le domaine de la chimie ou de la pharmacie ou encore de l’agroalimentaire. Là encore, la démarche environnementale croise celle de la relocalisation de l’industrie grâce à la chimie verte, principe apparu aux États-Unis dans les années 1990 et théorisé en 1998 par Paul Anastas et John Warner, chercheurs à l’Agence américaine pour l’environnement.

La chimie verte, appelée aussi chimie renouvelable ou chimie durable, permet en effet de « produire plus et mieux tout en consommant et en rejetant moins » dans tous les secteurs, de la nourriture, aux médicaments, l’énergie, ou encore l’eau potable. Un secteur en pleine expansion selon le site monde des grandes écoles.fr. avec 200 usines et sites de recherche, 24 000 emplois directs en France et un CA de 10 milliards d’euros en croissance de 6 % par an.

Catherine Lengellé

Source : Magazine « En Essonne Réussir »
Twitter.com/EssonneReussir

Version chinoise :
https://mp.weixin.qq.com/s/FTs81WFuzva7MmMLC7cI7Q

Proposition de lecture :
https://www.airsdeparis.fr/mode/explorer-de-nouveaux-territoires/

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